J'ai une cliente qui s'est présentée comme anorexique mais qui ne me semble pas encore l'être, plutôt entrain de plonger dans l'orthorexie, je n'ai pas dit le nom parce que dans son cas le problème n'est pas alimentaire et il est vraiment réactionnel à d'autres problèmes. Elle est en début (et d'ailleurs je me dis que ça ne doit pas arriver souvent de consulter au début de la pente glissante des TCA) donc pour l'instant on aborde pas le problème côté TCA mais côté dépression, relations affectives etc.
C'est parfois difficile de trouver le bon équilibre entre ce qu'il faut dire ou non, je m'aide de certaines pensées, qui peuvent se contredire:
1. Le client n'est pas stupide, il sait que fumer ou avoir un IMC à 60 ou 16 c'est dangereux.
2. Je me dois de respecter le client: avec son intelligence, sa représentation des choses, ses priorités.
3. Attention à la non assistance à personne en danger.
4. Je suis obèse et heureuse dans ma vie et dans mon corps. Depuis l'enfance j'ai toujours été grosse ou obèse. Quand on me balançait des "vérités" scientifiques, statistiques sur "les gros" je le vivais mal, ça a entamé ma confiance en moi, en les autres et aggravé les mauvaises relations que j'avais avec la nourriture et il m'a fallu beaucoup de travail personnel pour pacifier cette relation avec l'alimentation et mon corps et me sentir bien et en paix aujourd'hui. Ces souvenirs sont personnels mais je sais, par expérience, qu'on peut faire beaucoup plus de mal que de bien en essayant de forcer les choses pour l'autre.
5. Je respecte que le client avance à son rythme et à sa manière (mais oui, quand la personne maigri encore toutes les semaines ou que le progrès se fait sur la diminution d'héroïne, oui, clairement je tends le dos et je n'accepte de prendre en charge que si je suis secondée par un suivi médical)
6. Je pense qu'on peut aider la personne à se sentir mieux, à lutter contre ses angoisses etc. Et que si elle se sent mieux avec elle même les chances qu'elle fasse des choix toxiques pour elle seront moins importants. Augmenter le confort et l'amour de soi, chercher ce qui pousse dans la direction dangereuse, recadrer etc.
Médecin généraliste pour moi ça suffit sauf s'il y a des besoins particuliers ou que la personne le demande.
En gros quand j'ai une alerte dans ma tête qui me dit "attention danger", je laisse venir ce qui vient, j'écoute (si c'est possible) encore plus la personne etc. Les messages d'alerte, le plus souvent, elle les a déjà entendus (médecins, famille, conjoints, amis), si elle les prend en compte je n'ai rien à ajouter et si elle ne les prend pas en compte pourquoi m'écouterait-elle? Je risque de la braquer et d'en rajouter une couche à sa douleur (sentiment d'être incompris par exemple). Alors j'écoute la souffrance et j'essaye de comprendre le truc, ce petit machin dans un coin qui coince, qui grince, qui crisse et qui bousille le mécanisme. Je pose des questions et je me rappelle que c'est important de laisser l'autre vouloir pour lui même et de le respecter intégralement.